Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie, et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir…
… Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être que penseur ;
Si tu sais être dur, sans jamais être en rage,
Si tu sais être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois les Dieux la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme mon fils !
Rudyard Kipling
Hier est survenu le dramatique incendie de Notre Dame de Paris.
En hommage à notre cathédrale, ces vibrants mots de Rudyard Kipling sonnent si juste en ce jour…
« Sans un mot », c’est aussi l’invitation à un moment de recueillement, de méditation. C’est plus qu’un simple bâtiment qui est parti en flammes hier, c’est un immense symbole. Le symbole du travail de toute une vie … de notre humanité, dans ses efforts, son savoir-faire, son intelligence, et aussi ses croyances en le Divin …
J’imagine que le feu est peut-être parti d’une négligence sur le chantier de rénovation, d’un contrôle mal opéré, d’un truc laissé allumé avant de partir… dans un monde où tout est précipitation et course après le temps. Et voilà que le feu prend, la flêche s’effondre. Une flêche qui relie terre et ciel, mais quel symbole ! Le toit, ce qui nous relie avec ce qu’il y a de plus grand que nous, et que nous négligeons si souvent…
Alors oui, se mettre à rebâtir, en recueillement… et sans précipitation !
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